Aujourd'hui, c'est la Journée internationale des droits des femmes. Et, quitte à rejeter le raccourci « journée de la femme », autant utiliser l'appellation « Journée internationale de lutte pour les droits des femmes ». Car, oui, il s'agit d'une LUTTE.

Je ne veux pas qu'on m'offre des fleurs aujourd’hui : je veux que l'on parle des inégalités entre hommes et femmes, à la maison, au travail, dans la rue, dans le monde.

Je ne veux pas que les mecs mettent du rouge à lèvres : je veux une lutte au quotidien contre les violences faites aux femmes, un rattrapage systématique de l'humour sexiste, homophobe, transphobe et une mise à mort de la culture du viol. Mettez du baume hydratant si vous avez les lèvres sèches.

Je ne veux pas vous entendre dire « aujourd'hui c'est moi qui fait la vaisselle/à manger, c'est la journée de la femme » : je veux un partage égal des tâches ménagères au foyer et des postes dans le monde du travail, et ce, toute l’année, pas seulement le 8 mars.

Je ne veux pas de galanterie : je veux des salaires égaux à études / expériences / postes égaux, et le droit de bosser sans qu’on me demande si et quand mon utérus va se décider à pondre. Oui, je sais, il existe une loi contre ça, mais devinez le pourcentage d’entretiens d’embauche où j’ai entendu cette question dans ma vie ? La réponse va vous étonner : plus de 75% pour ma part.

J’en ai marre de ne même plus être choquée quand je lis le récit d’une agression de plus dans la rue ou sur le net, lorsqu’un raid de mecs cachés derrière leurs ordis cherchent à faire craquer une féministe. Dans aucun cas on ne devrait s’y habituer, mais ça devient dur quand ça arrive TOUS. LES. JOURS.

Je ne veux pas vous entendre nous expliquer ce qu'est le féminisme et qu'il y a des combats plus importants. Vous y participez, peut-être, à ces combats plus importants ? Penser une écriture plus inclusive, parler des poches de pantalons, des violences médicales, de la taxe « rose » sur les produits destinés aux femmes, du manspreading, des accouchements, du harcèlement de rue, des blagues à propos du viol : ces sujets peuvent vous sembler moins important que la faim dans le monde ou que les bombardements en zone de guerre, pourtant ce sont des sujets importants pour faire avancer les droits des femmes. Il faut donc en parler.

Je ne veux pas de réduction exceptionnelle pour du parfum ou du maquillage aujourd'hui : j'en ai ras le bol de devoir être belle et douce pour obtenir des droits qui nous reviennent, de devoir être gentille et polie quand on passe la journée à nous rabaisser et à nous demander de retourner dans notre cuisine pour préparer un sandwich. Je suis fatiguée d’entendre certains nous dire que c’est moche de lutter en râlant, qu’il y a des moyens plus jolis de nous faire entendre. Je n'en peux plus d’entendre ou de lire à chaque témoignage si c’est sérieusement arrivé ou que je n'ai pas d'humour, que j'exagère ou que j'ai mes règles. Je n’en peux plus de voir les femmes qui osent l'ouvrir subir des menaces de viol publiquement sur les réseaux sociaux. Fatiguée aussi de voir que même dans des affaires d'agression ou de harcèlement, la parole des femmes est toujours remise en cause : les rôles s'inversent et l'agresseur devient victime à grands coups de « mais elle va détruire sa carrière / le faire virer / ruiner sa vie ».

Je cracherais bien sur les hommes que j'entends, dans la rue ou ailleurs, que je suis, au choix, trop une pute, pas assez féminine ou bien garçon manqué. Maquillée ou non, épilée ou non, habillée ou à poil, voilée, rasée, blonde, brune, rousse ou multicolore, les femmes font ce qu'elles veulent de leur corps et leur lutte pour leurs droits n'en est pas affectée. Nous sommes toutes légitimes : nos causes, nos valeurs et nos luttes sont notre force.

Je ne veux pas vous entendre minimiser le harcèlement de rue à coup de #NotAllMen. Demandez autour de vous à vos amies, vos sœurs, vos collègues : c'est un fléau: selon une étude réalisée par le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), 100% des femmes ont subi au moins une fois dans leur vie du harcèlement sexiste ou une agression sexuelle dans les transports en commun. On nous apprend à nous cacher, nous défendre, nous méfier, ne pas rentrer seule, ne pas sortir seule, de trouver des techniques d'évitement à base de casque sur les oreilles et de regard vers le sol, ne pas trop nous dévêtir, être belle mais pas trop quand même, et ce, dès notre plus jeune âge. Mais bon sang, quand allons-nous apprendre aux garçons à ne pas violer ? À respecter un « non » ? Il serait temps de s'y mettre.

Je ne veux pas fêter le 8 mars. Je veux que l'on parle, que l'on sensibilise, que l'on fasse avancer les choses. Ce n'est pas une fête, c'est une lutte.

Je ferai la fête quand nous serons enfin toutes et tous égaux.


Merci à Stéphanie Walter et Marie Guillaumet pour leur relecture bienveillante et les conseils éclairés lors de la rédaction de cet article !



Le bingo bullshit du 8 mars

En cadeau bonus, un petit bingo pour tenir la journée, chaque case étant bien évidemment tirée de faits réels personnels. Il faut en parfois jusqu'à plusieurs semaines pour remplir cette grille le reste de l'année (enfin ça dépend, sur les réseaux sociaux ça va plus vite), mais le 8 mars, c'est malheureusement bien plus rapide.

Bingo bullshit du 8 mars

  • Bonne fête !
  • Feminazi
  • Il y a plus important comme cause/combat
  • C’est pas tous les hommes  qui ... #notallmen
  • Et la galanterie alors?
  • Tu te trompes (à propos du féminisme)
  • Tu as tes règles
  • Il faut remplacer le mot féminisme
  • Tu es trop sensible
  • C’est de l’humour
  • Et la journée de l’homme?
  • Hystérique 
  • On vous offre des fleurs le 8 mars
  • Réduction pour du maquillage / parfum / lingerie le 8 mars
  • Tu es vulgaire
  • Ma femme est très heureuse à la maison (nb : ce n'est pas un problème, mais ça n'a strictement rien à voir avec l'égalité)
  • Tu cherches le conflit (à propos de discussions autour du féminisme)
  • Mal baisée
  • Hé madmoizelle !
  • Les femmes aussi ... (peuvent être violentes / harcèlent / frappent)
  • C’est un compliment
  • On peut plus draguer
  • Sale pute
  • Les femmes sont faibles (et c'est scientifique)